Février 2012

NEWSLETTER du mois de Février 2012

J’ai débuté mon mois de février à Antigua, ancienne capitale du Guatemala, détruite lors du séisme de 1773. C’est dans cette ville à la magnifique architecture de style baroque et renaissance, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, que j’ai repris 5 jours de cours d’espagnol dans un institut en immersion, où les repas sont partagés avec une famille d’accueil. Juan, mon professeur, m’aura permis d’améliorer mon espagnol au point de saisir la plupart des conversations et de m’exprimer de manière à être compris correctement.

J’ai profité de mon séjour à Antigua  pour me mettre en contact avec Astrid, qui travaille à l’organisme guatémaltèque de la préservation de l’environnement et qui a organisé, avec un de ses amis guide et géologue, l’ascension du volcan actif Pacaya qui menace la ville d’Antigua et la Ciudad de Guatemala. En redescendant sur la capitale, qui n’appelle pas à y rester bien longtemps, j’ai pris un bus qui m’a amené directement à Managua ; 28 heures auront été nécessaires pour traverser, bien trop rapidement, Le Salvador et le Honduras pour finalement arriver dans la capitale nicaraguayenne où j’ai été accueilli par Yonnel, professeur des écoles au lycée Victor Hugo.

J’ai été particulièrement bien reçu par Martine, la Proviseur du lycée franco-nicaraguayen, qui n’a pas compté son temps pour me faire visiter les lieux et se prêter aux jeux des interviews. Le lycée, comme la ville de Managua et l’ensemble de la côte Ouest du Pays est soumis à un intense risque sismique. En témoignent le tremblement de terre de 1931 et principalement celui du 23 décembre 1972 qui mit à genou l’ensemble de la ville.

J’ai réussi à me mettre en contact avec Miguel AYENDIS, chercheur et historien à l’Université d’Amérique Centrale de Managua qui m’explique lors d’une interview que la ville et ses habitants ont su réagir et s’organiser rapidement mais que Managua n’a pas retrouvé son statut passé ; le centre ville, inexistant aujourd’hui, n’a pas été reconstruit et beaucoup d’habitants se sont déplacés en banlieue.

Miguel pondère également la notion de risques « naturels » en expliquant que ce ne sont pas les « séismes » en tant que tel qui sont meurtriers mais plutôt les constructions  et matériaux utilisés. Dans le cas du séisme de 1972, la cause principale de décès est l’étouffement : en s’effondrant, les murs essentiellement constitués de briques de boues séchées, libèrent une poussière suffocante et meurtrière. En ce sens le risque n’est pas naturel mais bel et bien anthropique.

Face à ce risque naturel majeur, le Lycée Victor Hugo a mis en place un plan de mise en sûreté (PPMS) en collaboration avec  l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger et l’Ambassade de France. J’ai pu, lors de mon passage, assister à un exercice d’évacuation de l’ensemble des bâtiments qui présentent l’avantage de n’être situés que sur un niveau. Martine, le gendarme en chef de l’ambassade et moi même avons pu apprécier la qualité de l’évacuation où les élèves, accompagnés de leurs professeurs se regroupent sur un des deux terrains prévus à cet effet. Une fois l’évacuation terminée l’établissement se met en relation avec l’ambassade au moyen d’un téléphone satellite, testé régulièrement, ou d’un talkie-walkie.

J’ai eu la chance d’obtenir un rendez-vous et une interview avec Antoine JOLY, Ambassadeur de France au Nicaragua qui a prit le temps de m’expliquer l’organisation préventive de la communauté Française en cas de catastrophe naturelle. Le pays est ainsi quadrillé en différentes zones, plus ou moins étendues suivant la densité de Français ; chaque zone possède un « chef de zone » qui est l’intermédiaire bidirectionnel entre l’ambassade et la population locale. Ce mode opératoire, proche de celui observé à Cuba dans le cadre des « Comités de Défense de la Révolution » semble généralisé dans les communautés françaises à l’étranger mais ne s’applique malheureusement pas encore dans les zones à risques en France.

Dans le plan de sécurité prévu par l’ambassade, les deux terrains de sport du lycée Victor Hugo peuvent servir de « zone de sureté » pour la communauté française. L’idée, plutôt que de rapatrier tous les enfants chez eux en cas de séisme est de faire venir les parents au sein de l’établissement qui prévoit à cet effet un certain nombre de moyens logistiques comme d’importantes réserves d’eau, des provisions, des tentes et du matériel de première urgence.

M. l’ambassadeur me confie également sa volonté de travailler conjointement avec les autres ambassades européennes, en particulier celle d’Espagne, dans la mise en sûreté des ressortissants européens. Cet effort de mutualisme européen s’observe dans les différentes formes de soutien apportés au Nicaragua comme en témoigne l’aide budgétaire importante apportées par le Service Européen aux Actions Etrangères (SEAE) et la présence d’un certain nombre de coopérations européennes.

J’ai pu déjeuner avec le représentant de la Coopération suisse au Nicaragua qui m’indique le rôle de cette coopération dans l’aide humanitaire apportée au pays lors de catastrophes passées mais surtout leurs implications dans les programmes de prévention des catastrophes naturelles. Les intérêts économiques suisses ne sont pas cachés en termes d’ingénierie et de construction, et plutôt louables puisque participant à une prévention des risques ; je me pose cependant la question de la formation et de l’interventionnisme en me disant qu’il serait plus durable de former la population nicaraguayenne plutôt que d’envoyer des compétences étrangères.

La gestion nicaraguayenne des risques naturels n’est pas en reste et semble se développer favorablement. J’ai été reçu et pu interviewer Guillermo GONZALES,  Directeur du « systema nacional para la prevencion y atencion de desastres » (SINAPRED) qui m’a indiqué l’ensemble des risques auxquels doit faire face le Nicaragua (séismes, éruptions volcaniques, inondations, glissements de terrains, cyclones) et quelles sont les stratégies en place.

La politique de prévention nationale met tout particulièrement l’accent sur l’entrainement des populations et les exercices de simulation. Ainsi, plusieurs exercices d’évacuation sismiques ont été réalisés à Managua, à l’échelle d’un quartier et d’un collège. Un exercice d’évacuation volcanique a aussi été réalisé sur l’île d’Ometepe sur laquelle je me suis rendu et qui est menacée par le volcan actif Concepcion que j’ai gravi. L’ensemble des routes de l’île est balisé de panneaux indiquant les routes à suivre et l’ensemble de la population a été sensibilisé quant aux attitudes à adopter.

Marco, habitant d’Altagracia, au pied du Concepcion me confie que des problèmes persistent à cause de l’exploitation agricole des zones à risques mais qu’il est difficile d’interdire la culture sur des sols favorables à des populations en situation de pauvreté.

Toujours par rapport à la gestion du risque volcanique, j’ai pu participer avec Thimaï  PHAM, professeur de SVT au Lycée Victor Hugo, sa classe de 4ème et Alain CREUSOT, éminent vulcanologue et spécialiste du volcanisme en Amérique Centrale, à une sortie géologique et pédagogique dans la région de Léon.

L’ancienne ville de Léon a été plusieurs fois endommagée par les éruptions du Momotombo (volcan emblématique national) et déplacée à son emplacement actuel pour être cette fois-ci sous la menace du volcan actif Cerro Negro. Nous avons réalisé l’ascension de ce volcan avec les élèves et les informations d’Alain ont permis une sensibilisation des élèves à la fois aux risques volcaniques et sismiques.

J’ai longuement discuté et pu interviewer Alain CREUSOT qui a été assistant d’ Haroun Tazieff et qui a croisé à plusieurs reprises la route des Krafft. Ses expériences et voyages dans les pays en voies de développement et au Nicaragua plus particulièrement lui font dire que le principal obstacle à la prévention est culturel. « La population nicaraguayenne est dramatiquement fataliste  et la culture préventive se retrouve presque obsolète puisque ce qui doit arriver arrivera ». Ce combat de plus de 30 années pour changer les mentalités s’est notamment traduit  par la co-fondation de l’Instituto Nicaragüense de Estudios Territoriales (INETER), spécialisé dans l’observation des zones sismiques et volcaniques. Alain regrette néanmoins une observation trop approximative expliquée par un manque cruel de géologues de terrains.

Pour clore mon reportage à Managua, j’ai été invitée par Mélanie BOUCHARD, Directrice de l’Alliance Française pour réaliser une intervention auprès d’un groupe d’étudiants.

La présentation de mon projet de tour du monde sur la thématique des risques naturels majeurs s’est transformée en une formidable interaction avec des Nicaraguayens de tous âges qui m’a permis de recueillir des retours d’expériences parfois saisissants sur le séisme de 1972. Je garde de ce contact un excellent souvenir et compte réitérer cette action dans d’autres Alliances et Instituts Français à l’étranger.

J’ai également été contacté durant ce mois par l’association « Prévention 2000 » avec qui je collabore désormais pour diffuser à l’international leur plaquette « Mémorisks – quand la Terre gronde ». Ce projet, pilote pour l’UNESCO et soutenu par les Nation Unies, consiste à diffuser une plaquette à destination des professeurs des écoles et de leurs élèves pour les éveiller à la problématique des risques naturels. Les jeunes et leurs professeurs vont ainsi à la découverte d’un risque sous la forme d’une enquête. La restitution de l’enquête et sa valorisation dans des médias locaux permettront d’établir un dialogue entre citoyens et autorités sur la prévention des risques au niveau local.

En cette fin de mois de février qui aura été riche en apprentissage je me suis offert un retour à Cuba,  que j’avais adoré et que j’aime de sa mer à son ciel en passant par la riche vie culturelle de La Havane.

C’est ce petit retour sur mes pas qui explique l’envoi tardif de cette Newsletter ainsi que l’organisation de la suite de mon périple qui m’amènera dans quelques jours au Panama où je suis attendu pour y réaliser le prochain reportage de la série « La Communauté éducative face aux risques naturels majeurs ».

Remerciements :

Mon premier remerciement est pour le CRDP d’Amiens qui permet la réalisation de ces reportages et principalement pour Dominique, mon collègue à distance, qui réalise le montage de mes vidéos brutes.

Je remercie bien entendu l’ensemble de l’équipe éducative du Lycée Franco-Nicaraguayen Victor Hugo en particulier Martine qui m’a ouvert les portes de son établissement avec beaucoup d’enthousiasme, Yonnel qui m’a hébergé une partie de mon séjour à Managua et Marie-Paule pour sa gentillesse et ses contacts.

Un remerciement tout particulier à Thimaï et Jean-Baptiste pour m’avoir accueilli chez eux pendant une durée sans cesse prolongée. J’ai adoré tous les moments et les plats partagés et les quitte comme des amis.

Un remerciement évidemment à toutes les personnes que j’ai pu interviewer et qui contribueront à la réussite de ce nouveau reportage. Je pense tout particulièrement aux élèves de la classe de 4ème et aux étudiants de l’Alliance Française.

Un remerciement également à mes compagnons de route du Guatemala avec qui j’ai passé d’excellents moments (Sam, Lison , Astrid, Celeste) mais aussi à ceux du Nicaragua (Alex, Marine, Irene, Lara) sans oublier bien sûr tous ceux de Cuba (Pauline, Sandra, Felix, Sylvain, Alexis, Aurélie, Ernesto, Joanna et évidemment Maricel qui me manque déjà !)

Je pense évidemment à ma famille, amis, anciens collègues et élèves qui me soutiennent indéfectiblement !!

Liens :

Reportages vidéos en ligne sur le site du Pôle National de Compétence « Education au Développement Durable » de l’académie d’Amiens :

« La communauté éducative face aux risques naturels majeurs »

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