NEWSLETTER du mois de Novembre 2011
La fin du mois d’octobre a été marquée par un retour en France, en Polynésie Française plus exactement, dans l’archipel de la Société, sur l’île de Tahiti.
La chaleur tropicale en sortant de l’avion et les vahinés dansant dans le hall d’arrivée ne me donnaient pas l’impression de retourner au pays avant de voir à la sortie de l’aéroport : les « scenic » de la police nationale, l’enseigne rouge des bureaux de tabacs, nos boîtes aux lettres jaune poussin et … des francs !
La Polynésie française n’est pas pour autant la métropole et présente ses spécificités qui en font une collectivité bien particulière dont j’ignorais beaucoup jusque là. Mes premiers jours à Tahiti m’ont permis, au gré des personnes m’hébergeant et me prenant en stop, de comprendre un peu plus la complexité de cette île et de l’administration polynésienne.
La Polynésie française (composée de 5 archipels : Société, Tuamotu, Gambier, Australes, Marquises) est un Pays d’Outre-Mer qui bénéficie d’une large autonomie politique. Il faut ainsi distinguer :
- le Pays qui possède une assemblée territoriale, un gouvernement et un président. L’actuel président de la Polynésie Française est Oscar Temaru ; celui-ci alternant parfois rapidement avec son seul rival politique : Gaston Tong Sang.
- L’Etat, représenté localement par le Haut-Commissariat de la République, qui a conservé les fonctions régaliennes (relations extérieures, immigration, finance, défense, justice, travail et l’enseignement)
En dehors de ces deux institutions, reconnues et officielles, plusieurs familles se partagent l’essentiel des secteurs économiques, en particulier sur l’île de Tahiti.
Cette complexité administrative et politique associée à une gestion qui semble parfois « mafiosarde » explique certainement les inégalités sociales qui sont clairement palpables sur l’île de Tahiti, où l’on peut passer rapidement d’un quartier-bidonville à un quartier de richissimes villas.
Cette complexité se retrouve également dans le domaine de l’enseignement qui est à la fois géré par l’Etat, via le vice-rectorat de Polynésie Française (lui même rattaché au Ministère de l’Education Nationale) et le Pays via la Direction des Enseignements Secondaires (placé sous l’autorité du ministère de l’éducation de Polynésie Française).
Les particularités de la Polynésie française justifient à ce titre un reportage vidéo dans le cadre de la série : « La communauté éducative face aux risques naturels majeurs » , qui normalement ne concernent que les « Etablissements Français à l’Etranger ».
C’est ainsi que je me suis mis en contact avec le lycée Paul Gauguin de Papeete, où j’ai été reçu chaleureusement par son proviseur, M. Gusto. Il a permis le tournage de ce troisième reportage pour étudier comment la communauté éducative fait face aux risques de tsunami et de cyclone.
L’essentiel du reportage a été réalisé avec l’aide de Jérôme Schmitt, professeur d’Histoire-Géographie particulièrement dynamique, qui s’est rendu entièrement disponible et a adapté son enseignement au reportage.
J’ai ainsi pu assister et filmer une partie de la séance d’introduction que propose Jérôme en classe de Seconde sur « Les sociétés face aux risques » et ai pu observer l’importance du « retour d’expérience » dans la phase de motivation des élèves. Effectivement, chaque élève ici a connu un épisode cyclonique violent (le dernier en date étant OLI en février 2010) et une alerte tsunami (la dernière datant de mars 2011 suite au séisme nippon) qui les impliquent directement dans le sujet et la problématique.
Jérôme articulera son cours autour de ces deux événements en s’en servira pour élaborer des « documents pédagogiques actualisés et récents qui parleront directement aux élèves ».
Pour clore cette partie du programme, Jérôme prévoit de reconduire l’action qui avait été menée l’année passée, où les élèves ont été reçus au Haut-Commissariat dans le cadre du programme de sensibilisation aux risques naturels. L’objectif pour ces futurs citoyens est de comprendre comment une société, avec ses inégalités, fait face à une situation d’urgence et de crise en se basant sur un événement concret comme le cyclone OLI. « Cette rencontre a permis aux élèves de se familiariser avec les concepts de risques, aléas, enjeux, prévision, prévention mais surtout d’échanger avec les différents acteurs et de comprendre le travail essentiel collaboratif entre les différentes structures ».
La complicité qui s’est installée très rapidement avec cette classe m’a permis de réaliser de nombreuses micro-interviews d’élèves sur leurs expériences passées lors des dernières alertes tsunami et cycloniques mais aussi leurs sentiments vis-à-vis de la culture locale du risque et leur degré de prévention.
Les avis convergent et font apparaître qu’ici, la politique de prévention des risques est jeune mais qu’elle est bel et bien en route ! La plupart des élèves de Seconde n’ont pas été sensibilisés aux risques naturels lors de leur scolarité et découvrent à leur arrivée au lycée l’existence d’un Plan Particulier de Mise en Sureté (PPMS) associé à des exercices d’évacuation-tsunami. Les mesures et actions préventives à l’échelle de Tahiti se développent considérablement et de manière nécessaire puisque, même selon les élèves le degré actuel de prévention n’est pas suffisant.
Afin d’inscrire le lycée dans sa collectivité, je me suis mis en contact avec le Haut-Commissariat de Polynésie Française et interviewé Magali Charbonneau, Directrice de Cabinet.
Mme Charbonneau est d’abord revenue sur le statut particulier de la Polynésie française et l’organisation spécifique de la cellule de crise. « La Polynésie Française est une collectivité particulièrement complexe à administrer, ne serait-ce que par l’étendue de son territoire, comparable à celle de l’Europe entière ».
Nous avons abordé en particulier l’organisation des cellules de crises mises en place avant l’arrivée du cyclone OLI et après le séisme Japonais. Ces indicatifs temporels mettent bien en évidence la différence fondamentale entre ces deux risques naturels. Le cyclone est prévisible et la population civile comme scolaire peut être prévenue suffisamment tôt pour ne pas être surprise par l’événement ; c’est ainsi qu’une fermeture ponctuelle des établissements de Tahiti a été imposée par les autorités. Le tsunami, lui-même induit par un séisme qui est imprévisible, offre un temps de réaction beaucoup plus court qui dépend de la distance à l’épicentre et varie entre 1h et 9h. Les établissements sont contactés par les autorités pour déclencher une mise à l’abri qui peut se faire directement dans les locaux (comme c’est le cas au lycée Paul Gauguin qui présente une structure à 3 étages) ou en se dirigeant vers des collines alentours.
Suite aux derniers événements qui auraient pu être catastrophiques, l’Etat comme le Pays se sont investis dans une politique de prévention des risques naturels. Celle-ci se traduit notamment par des informations radiodiffusées, des spots télévisuels et des plaquettes d’informations qui, pour être diffusées le plus largement possible, ont été jointes aux factures de gaz et d’électricité.
Le degré de prévention des populations face aux risques naturels est donc en évolution en Polynésie Française qui est pourtant culturellement assez fataliste en remettant son sort entre les mains de divinités, de la nature ou du hasard.
Il est important de souligner qu’une sensibilisation aux risques naturels s’inscrit plus largement dans une prévention aux risques sociétaux aussi variés que le risque de transmission de maladies infectieuses, le risque d’agression sexuelle ou les risques liés à la consommation d’alcool. C’est l’ensemble de ces risques qui doit être mieux appréhendé par les générations futures, qui devront encore être mieux informées et éduquées.
J’ai profité de mon séjour à Tahiti pour rencontrer et interviewer Daniel Nouveau, directeur de la communication pour Météo-France en Polynésie Française.
Dans l’idée de réaliser un reportage pédagogique sur l’aspect prévisionnel lié au risque cyclonique, M. Nouveau est revenu dans un premier temps sur les processus de cyclogenèse. Nous avons ensuite abordé les moyens de détection pour prévoir la vitesse, la trajectoire et l’intensité de la dépression cyclonique avant de nous concentrer sur la mission d’information de Météo-France auprès des autorités et des populations. Nous avons évoqués en détail l’épisode OLI en faisant le parallèle entre les prévisions et les informations, notamment dans le déclenchement des alertes successives.
Pour clore cette entrevue, M. Nouveau m’a présenté l’évolution des modèles météorologiques des vingt dernières années et les prochaines innovations qui devraient permettre aux modèles d’être toujours plus précis et aux populations de se préparer de manière plus efficace. Nous avons abordé pour conclure l’influence du réchauffement climatique sur la fréquence cyclonique mais « en Polynésie Française, où nombre d’îles sont à moins de deux mètres d’altitude, les cyclones inquiètent moins que l’élévation du niveau marin ».
Après ce passage passionnant en Polynésie Française je me suis envolé pour la Floride où j’ai passé quelques jours. Je me suis mis en contact avec Nathaniel Plant et Hilary Stockdon travaillant tout deux à l’United States Geological Survey (USGS) de St. Petersburg sur l’élévation du niveau marin.
Basé sur Miami, je n’ai malheureusement pas pu me rendre à St. Petersburg, j’ai cependant récupéré un certain nombre de documents et vidéos permettant d’illustrer certaines portions de reportages et constituant une base éventuelle pour l’élaboration de ressources pédagogiques.
En cette fin du mois de novembre je me trouve en transit aux Bahamas, avant de m’envoler pour ma prochaine destination, Cuba où je devrais réaliser dans l’école française de La Havane le prochain reportage de la série.
Je vous donne donc rendez-vous le mois prochain pour un autre bilan mensuel et vous invite à me suivre plus régulièrement sur la page « Actualité » de mon site que je vais essayer de tenir à jour malgré des connexions difficiles sur l’île de Cuba.
Le reportage du Lycée Paul Gauguin est en cours de montage et devrait être diffusé dans la rubrique « Etablissements en action » sur le site dédié à l’Education au Développement Durable du CRDP de l’académie d’Amiens.
Le reportage réalisé à Météo-France est en cours de montage et devrait être diffusé dans la rubrique « Paroles de scientifiques » sur le site dédié à l’Education au développement durable du CRDP de l’Académie d’Amiens.
Mon intervention, réalisée depuis Tahiti, dans le cadre de l’émission « 24h sur la Terre », où j’explique la nature de ma mission et ses objectifs, sera bientôt diffusée sur le site Terre.tv.
Un article de presse présentant mon projet avec un focus particulier sur Tahiti, a été réalisé par Serge Massau et diffusé dans Les Nouvelles de Tahiti du 12 novembre 2011.
Remerciements :
Mon premier remerciement est pour le CRDP d’Amiens et de Dominique, mon collègue à distance qui réalise le montage de mes vidéos brutes.
Un remerciement à l’ensemble de l’équipe éducative du Lycée Paul Gauguin en particulier à Alain Gusto et évidemment Jérôme Schmitt.
Un remerciement particulier à Lina Huan sans qui le reportage n’aurait pas été aussi abouti.
Un remerciement évidemment à Magali Charbonneau et Daniel Nouveau pour leur disponibilité.
Un remerciement spécial à Sylvain et Karine Perron qui, après m’avoir pris en stop, m’ont grand ouvert la porte de leur maison pendant tout le temps de mon reportage à Papeete.
Un remerciement également aux Couchsurfeurs qui m’hébergent chez eux et me font partager leur quotidien (Christophe, Patricia, Laure, Ludwig, Serge, Tiphaine, Xochi, Monica, Mayrine et Sandra)
Je pense évidemment à ma famille, amis et anciens collègues et élèves qui me soutiennent indéfectiblement.
Liens :
http://www.aefe.fr/education-aux-risques/le-tour-du-monde-des-risques-majeurs
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