Article spécial « Afrique du Sud »
Après un mois et demi passé en France qui a filé en un rien de temps, je refaisais mes sacs pour une nouvelle année d’itinérance. Le calendrier avec les dates prévisionnelles est disponible ici.
Je commence donc cette deuxième année par un tout autre continent, à la découverte de l’Afrique du Sud et plus précisément de la ville du Cap. Le choix de la ville s’est fait selon le nombre de risques naturels identifiés par le Disaster Risk Managment et pour son engagement dans le programme des Nations Unies de réduction des risques naturels (UNISDR) afin d’en faire une « ville résiliente ».
Mon arrivée à l’aéroport du Cap et la route jusqu’au centre m’ont vite plongé dans la réalité sud-africaine où les inégalités sociales sont criantes.
La ville du Cap, ainsi appelée en référence à sa proximité (47 km) du Cap de Bonne-Espérance est considérée comme la cité-mère d’Afrique du Sud. La ville historique du Cap est le « City Bowl » qui est un amphithéâtre naturel situé entre la Baie de la Table, les montagnes de Signal Hill, de Lion’s Head et de Devil’s Peak.
Aujourd’hui, la ville a incorporé plusieurs faubourgs et communes pour former la municipalité du Cap dénommée « City of Cape Town » d’une population d’environ 3 millions d’habitants.
Parmi les faubourgs, beaucoup sont situés dans le Cape Flat, bande plate située au sud-est du centre, considéré comme un héritage de la période d’apartheid. C’est une zone (que l’on « traverse » en venant de l’aéroport) particulièrement dense comprenant des bidonvilles où vivent les populations les plus défavorisées. On y trouve notamment les townships de Mitchell’s Plain et de Khayelitsha.
La politique d’apartheid a été mise en place en Afrique du Sud en 1948 afin de séparer la population sur des critères raciaux et ethniques (blancs, indiens, métis et noir). L’apartheid a été progressivement reformé avant d’être officiellement aboli en 1991.
La ville du Cap qui parait pourtant libérale et progressiste connait toujours à l’heure actuelle une forme de ségrégation où globalement les blancs vivent au centre et les autres principalement dans les Cape Flats.
C’est dans ce contexte que je me suis mis en relation avec l’Ecole Française du Cap situé en plein cœur du City Bowl pour réaliser le premier reportage de la deuxième saison de « La communauté éducative face aux risques naturels majeurs ».
J’ai été surpris et franchement inquiété quand l’ensemble de la communauté éducative du lycée m’a demandé : « Mais au fait, de quels risques veux tu parler dans la ville du Cap ??? ». « Il existe bien de temps en temps une petite tempête, une vague de chaud ou de froid mais rien que l’on pourrait qualifier de risque naturel MAJEUR et aucune catastrophe historique».
En approfondissant un peu le sujet je m’aperçois que cette réalité en est effectivement une pour le City Bowl ; les quartiers périphériques, les townships en particulier, en connaissent une toute autre. En discutant davantage j’apprends que ces quartiers sont souvent frappés, et de manière importante, par des inondations, des tempêtes et des feux de forêts. Après cet aperçu rapide, je décide d’axer le reportage sur la différence de vulnérabilité en fonction des conditions sociales dans la municipalité du Cap.
Je me mets en relation avec un membre du personnel qui habite dans le township de Kayelitsha pour qu’il m’emmène me rendre compte des conditions de vie et récolter quelques interviews. Je ressors de cette expérience troublé ; troublé de voir une misère aussi profonde (plus marquée que ce que j’ai pu voir en Amérique latine) mais surtout choqué de voir la taille de ces « quartiers » qui s’étendent à perte de vue !! La misère urbaine est ici d’une toute autre ampleur, Kayelitsha est le township le plus grand et avec le plus fort taux de croissance d’Afrique du Sud (forte immigration de nombreux pays Africains) avec une population de 420.000 personnes (autant que la ville, au sens communal, de Nice!) !!
A la vue des constructions de cette zone et de l’organisation du réseau urbain, on comprend aisément les risques d’inondations (le Cape Flat est la zone la plus basse de la région où le réseau de canalisation des eaux doit être bien peu opérationnel), de tempêtes et de feux (la majorité des cases sont construites en tôles, en planches et en bâches plastiques).
Samuel, un surveillant du lycée, me confie que la gestion des risques dans les townships ne préoccupe pas beaucoup les « politiques blancs » parce que les « noirs des townships » ne vont pas voter pour eux.
Je rencontre et interviewe ensuite le chargé de communication du « Disaster Risk Managment » qui vend naturellement très bien la politique de prévention et de gestion des risques de la municipalité du Cap en ne considérant que les constructions en « zone légale » dont ne font évidemment pas partie la majorité des « habitations » des townships… une triste réalité au lendemain (18 ans à peine après la sortie de l’apartheid) d’un lourd passé historique sur fond de ségrégation raciale qui se traduit aujourd’hui en une ségrégation sociale avec une vulnérabilité face au risque bien différente.
Mentionnons cependant leur site internet bien fourni et des actions particulièrement intéressantes comme le plan de préparation familial et de préparation public. (Petit bémol en soulignant que les brochures en anglais sont loin d’être accessibles par tous dans un pays ou il existe 18 langues officielles !)
Je renvoie également à l’organe de l’ONU « United Nations International Strategy for Disaster Reduction » qui est chargé de réduire la vulnérabilité des villes et des pays face aux catastrophes naturelles et plus particulièrement au projet « My City is Getting Ready ». Une très belle initiative, à encourager…et à relativiser dans ses résultats !
A côté du reportage pour la série vidéo, je me suis mis en contact avec Francis MARSAC, Directeur de recherche à l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement) et responsable du programme « International Centre for Education for Marine and Atmospheric Sciences over Africa » (ICEMASA) à l’Université de Cape Town.
Je vous invite à visionner l’interview ici qui permet notamment de comprendre les relations entre courants marins et climats (à l’échelle régionale et mondiale) ainsi que l’évolution des écosystèmes marins sous l’effet des changements globaux.
Après ce reportage, j’ai évidemment profité de ma présence en Afrique du Sud pour sillonner un peu le pays ; un road-trip d’une dizaine de jours m’aura conduit de Durban à Johannesburg en traversant le Swaziland et le magnifique parc Kruger.
Après un mois passionnant passé en Afrique du Sud, je me suis envolé pour Antananarivo, à Madagascar, pour un nouveau reportage de la série. L’article s’y référant devrait être publié prochainement.
Pour un peu (plus) de culture :
Films conseillés :
The Cape Town Affair (1967) ; Au nom de la liberté (2006) ; Sea Point Days (2008) ; Invictus (2009)
Idées lectures :
« Un long chemin vers la liberté » de Nelson Mandela et « Un arc-en-ciel dans la nuit de Dominique Lapierre.
En musique :
Réécouter les chansons « War » de Bob Marley, « Apartheid » de Peter Tosh et « Biko » de Peter Gabriel ; écouter l’album « Apartheid is nazism » d’Alpha Blondy et la chanson « Bring him back home » d’Hugh Masekela qui devient en 1987 l’hymne du mouvement de libération de Nelson Mandela. (Re)découvrir les musiques de « Johny Clegg » et des « Springbok Nude Girls »
A la suite de cet article spécial Afrique du Sud, j’invite les lecteurs à me faire part, par mail, de tout compléments, commentaires ou questions.
Remerciements :
Mon premier remerciement est pour le CRDP d’Amiens, qui permet la réalisation de ces reportages et principalement pour Dominique, mon collègue à distance, qui réalise le montage de mes vidéos brutes. Je remercie aussi Delphine et Benjamin qui s’attachent à l’exploitation pédagogique et à la mise en valeur du produit.
Je remercie bien entendu l’ensemble de l’équipe éducative du Lycée Français du Cap en particulier Philippe ALGRANTI, Bertrand CANCRE, Any RIDON et Samuel USABWERA.
Un remerciement tout particulier à Isaure et Manu pour m’avoir accueilli chez eux avec autant de sympathie.
Un remerciement évidemment à toutes les personnes que j’ai pu interviewer et qui contribueront à la réussite de ce nouveau reportage.
Je pense évidemment à ma famille, amis, anciens collègues et élèves qui me soutiennent indéfectiblement !!
Un dernier remerciement à mon père et à Meine Clock pour les relectures et conseils !
Liens :
Les reportages vidéos sont en ligne sur le site du Pôle National de Compétence « Education au Développement Durable » de l’académie d’Amiens.
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